HISTOIRE ARDOISIÈRE
Jusqu’à la Révolution, Trélazé demeure boisée et essentiellement rurale. Seigneurs laïcs et ecclésiastiques se partagent les fiefs et les revenus qui en proviennent. Bien que des carrières soient déjà en fonctionnement, l’agriculture (céréales, chanvres, vignes) constitue l’activité première :
les fermes, métairies et closeries sont en effet nombreuses.
Au XVe siècle apparaissent les premières carrières d’ardoises à Tirepoche, puis à Bouc Cornu.
Peu actives à cette époque, leur développement intervient au XVIe siècle dans l’Ouest de la paroisse,
à l’abri des éventuelles crues de la Loire. L’ardoise sert alors de couverture aux églises, maisons et châteaux (citons Chambord, édifié en 1539, recouvert de plusieurs centaines de milliers d’ardoises).
Malgré les visites de Marie de Médicis et Louis XIII aux ardoisières, respectivement en 1619 et 1620,
le XVIIe est un siècle d’infortune en Anjou.
Les ardoisiers sont réquisitionnés pour la guerre civile. La population subit une épidémie de peste aux alentours de 1625 ainsi que des famines suite aux crues intempestives de la Loire.
Au XVIIIe siècle, une lutte active s’organise contre les inondations de la Loire et de l’Authion.
Les travaux d’élévation et de renforcement de la grande levée de la Loire, s’achèvent en 1735, sous la direction de l’ingénieur Règemorte.
S’amorce alors, l’expansion de nouvelles carrières à l’Aubinière tandis que celles de la Noë et de la Gravelle continuent leur activité.
La renommée de l’ardoise forgée par le transport fluvial vers Rouen, Nantes et Paris, fait bientôt l’objet de nombreuses publications. Les rapports qui en découlent indiquent des chiffres qui comptabilisent la production dans les différentes carrières.
Si en 1723, 12 millions d’ardoises sont extraites, en 1762-1766, la production atteint 26 millions d’ardoises, d’après l’intendant Lescalopier.
Durant la Révolution, Trélazé connaît le changement dans la continuité et sans bouleversement majeur, même si la diminution d’un grand nombre de carrières est à noter.
Au XVe siècle, l’extraction de l’ardoise est artisanale et les excavations peu profondes à Trélazé, puisque l’on « bêche » le sol pour récupérer le matériau. Tout fonctionne à l’énergie humaine (de l’extraction de l’ardoise au transport des hottées).
A partir de la Renaissance, les carrières deviennent de plus en plus profondes, passant de 50 à 100 mètres : ce sont des exploitations à ciel ouvert par gradins droits.
Les techniques s’améliorent grâce aux manèges actionnés par la puissance des chevaux permettant l’exhaure (action de pomper l’eau) et la remontée mécanique du schiste ardoisier. Pour détacher les blocs, le matériel reste rudimentaire : coins, pics sur lesquels il faut frapper fort à l’aide de barres.
A la fin du XVIe siècle, les ouvriers se spécialisent et se distinguent en deux catégories : ceux « d’a-bas » (du fond) et ceux « d’a-haut » (du jour).
Au XIXe siècle, les carrières peuvent atteindre jusqu’à 180 mètres de profondeur. La traction animale cède le pas à la machine à vapeur (vers 1830). De plus en plus profondes, les carrières à ciel ouvert deviennent instables et dangereuses. A partir de 1838, une nouvelle méthode dite Le Chatelier (nom de l’ingénieur en chef des mines), consistant à extraire l’ardoise sous voûte en employant de la dynamite, s’impose. C’est le début des exploitations souterraines.
Désormais, le métier de carrier se confond avec celui de mineur.
La pression exercée sur les voûtes entraînant des incidents récurrents, cette technique cesse et cède le pas à la méthode dite Blavier (en remontant par gradins renversés), lancée en 1878. Des galeries sont creusées en profondeur dans les puits d’extraction, puis remblayées au fur et à mesure lorsqu’elles ne sont plus exploitables. Les déchets restent au fond tandis que les ouvriers remontent petit à petit à la surface.
Du fait de ces conditions de travail difficiles, exercées sous terre, les ardoisiers obtiennent le Statut du mineur en 1947, après une lutte acharnée.
A l’origine, le fendeur (ardoisier « d’a-haut », exerçant sur les buttes en plein air) est un artisan qui travaille les blocs de schiste extraits du fond. Ces derniers sont remontés des puits d’extraction et transportés vers les buttes pour approvisionner les fendeurs en pierre. Au fil des siècles, les moyens d’acheminement évoluent : du charriot tiré par les chevaux aux wagonnets tractés par la locomotive au début du XXe siècle.
Seul, à proximité de ses collègues, à l’abri d’un « tue-vent » ou d’une cabane en pierre, l’ouvrier d’a-haut fend le schiste ardoisier en plusieurs étapes (le débitage, le quernage et le rondissage), jusqu’à former des ardoises de différentes tailles servant à la couverture des toits. Ce savoir-faire
se transmettait de père en fils.
Tout au long du XXe siècle, le secteur ardoisier connaît de profondes mutations. Cette période marque une hausse constante de la production ardoisière conjointement à la révolution industrielle.
Dès la Première Guerre mondiale, des changements se profilent. La pénurie des fendeurs introduit les femmes dans ce corps de métier jusque là exclusivement masculin et, avec elles, le développement de la presse à fendre qui amorce le travail collectif en atelier.
Ce processus d’industrialisation renverse les méthodes d’exploitation et parcellise le travail : des horaires fixes sont imposés, la fabrication manuelle est peu à peu remplacée par l’énergie des machines produisant des modèles standards d’ardoises bien que les deux procédés coexistent jusque dans les années 1950.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la situation économique est telle que l’industrie ardoisière procède à des licenciements même si l’activité reprend activement après-guerre.
A partir des années 1960, l’ardoise espagnole, plus concurrentielle, supplante peu à peu celle de Trélazé.
De 1983 à 1993, l’effectif des ouvriers diminue et la société des ardoisières d’Angers-Trélazé supprime près de 1200 emplois.
En 1997, un plan social est amorcé entraînant de nouveaux licenciements (187 postes sont supprimés).
Pour diverses raisons, le groupe Imerys annonce la fermeture des ardoisières 25 novembre 2013. Un plan social pour les 153 employés de la société est signé en mars 2014.
De la culture maraîchère à la culture ardoisière
De l’exploitation à ciel ouvert à l’extraction souterraine
Le métier du fendeur
Du progrès au déclin
Poésie sur l'ardoise
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